Le chat de Mimi est beau. Indiscutablement. C’est un mâle gris, aux yeux bleus. Il est mince et fluide. Et fier. Jamais je ne l’ai vu réclamer une caresse. Ça n’est pas le genre de chat qui vient se frotter à vos jambes. Lui reste là, à portée, mais ne fera pas le premier geste. On dirait qu’il connaît la puissance d’être désiré, et la passion que cela engendre.

Ça m’arrange bien qu’il ne soit pas collant, je n’aime pas les chats, moi. Ils sont pervers. Je ne leur montre aucun intérêt, et pourtant, dès qu’un de ces animaux se trouve dans la même pièce que moi, il va préférer mes cuisses à celles des dix autres convives, ou celles de ses propres maîtres. Et malgré le fait que je ne le caresse pas ni ne lui montre aucune affection, il va commencer, lentement, délectueusement, à enfoncer ses griffes dans le pantalon que je viens d’acheter, ou la chemise de soie, selon ce qu’il estime être le plus cher. Pervers !

Le chat de Mimi n’est pas comme ça. Il a cette intelligence. On n’a jamais eu à lui apprendre. Sa seule démonstration, ce sera de se cacher sous un meuble ou derrière une marche d’escalier, et d’attendre patiemment votre passage. Il se jette alors dans une course folle sur votre pied, lui donne un coup de patte sans même sortir ses griffes. Il arrête brusquement sa course et s’éloigne calmement, dédaigneusement, l’air de dire : « Alors, t’as vu ? Qui c’est le boss, ici, hein ? ».

Pourtant, c’est un bon chasseur, si j’en juge par la quantité de trophées qu’il aime à poser sur le seuil de la maison. Il ne craint pas le ridicule, quand il dort pendant des heures les quatre pattes en l’air. En tout cas, c’est ce qu’il a l’air de dire. Car il parle. Il répond à toutes les questions et il lui arrive même parfois d’entamer les conversations. Un jour, je comprendrai ce qu’il veut me dire. Il n’y a pas de raison, lui comprend déjà quand je parle.

On rigolera bien, on boira un coup : une tasse de lait, une Zubrowka… Et il me dira tout ce que je n’ai jamais compris, et qu’il s’évertuait pourtant à me répéter avant que je n’entende son langage. Pourquoi la vie est comme ça ; pourquoi les hommes ne comprennent ni les chats, ni les femmes ; pourquoi Mimi est partie, maintenant. En me laissant seul avec cette sale bête. Cette sale bête et ma mémoire…

Montjoly, le 9 mai 2003
Catégories : Nouvelles

0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *